A moins d’avoir passé ces quelques dernières années au fond d’une grotte, il est difficile de ne pas avoir entendu parler du Poker et principalement de sa variante la plus populaire actuellement : le Texas Hold’Em en version « No-Limit » (sans limite maximale de mise) (1).
Ce jeu de carte, est actuellement un « sport » (même si je suis sur que beaucoup ne seront pas d’accord avec cette appellation) qui connaît un énorme engouement et ce dans toutes les classes de population.
Ce n’est pas tellement étonnant… car le Poker à énormément d’arguments pour plaire : tout le monde peut y jouer et y gagner quel que soit son âge, sa condition physique ou son niveau social, les règles de base sont simples à comprendre et il ne faut pas plus de 10 min d’explication pour être prêt à démarrer une partie.
De plus, le Poker, bien plus que pour n’importe quel autre jeu, bénéficie d’une image « romantique » et un brin sulfureuse qui fait rêver beaucoup de monde.
L’engouement de chaînes de télévision telles que NBC aux USA et Canal+ en France, qui ont commencé à diffuser de gros tournois, les commentaires de P. Bruel (ex-vainqueur d’un championnat du monde en ‘98), mais surtout la victoire de Chris Moneymaker aux World Series Of Poker de 2003 (un illustre inconnu qualifié via un site de jeu on line pour la somme de 39$, et qui remporte les championnats du monde pour un gain de 2,5 millions de $) ont réellement sonné le début de la « poker mania » dans le monde et particulièrement en Europe.
A titre personnel, et sans rentrer dans des considérations autour des risques liés à la dépendance au jeu (qui sont on ne peut plus réels), je trouve que c’est plutôt une bonne chose.
Le Poker est un jeu qui développe l’attention, le sens tactique et surtout les facultés d’analyse.
Mais au-delà de ça, le Poker est un jeu éminemment social et convivial qui permet, contrairement à d’autres loisirs à la mode comme les jeux vidéos, p.ex., de se retrouver entre amis autour d’une table et de passer ensemble un bon moment sans avoir à y consacrer des sommes folles…
Après avoir lu attentivement la comparaison, plutôt « osée », de James Keating entre la Corrida et le combat au couteau ( Tauromaquia Y Armas Blancas ), j’ai eu envie, moi aussi, de chercher les liens entre ces deux disciplines passionnantes que sont le Poker et la Protection Personnelle.
1 - Les meilleurs gagnent sans combattre.
C’est le premier parallèle qui m’a sauté aux yeux.
Dans les deux disciplines, c’est toujours le but que vous devriez poursuivre.
Quand vous arrivez par votre technique, votre langage corporel, vos actions et votre discours à ce que votre adversaire jette ses cartes, peu importe que vous ayez une poubelle ou un carré d’As et peu importe, surtout, ce que votre adversaire à main
Ce qui importe, c’est que vous avez remporté une victoire (et donc pris les jetons de votre adversaire) sans avoir à combattre et donc sans prendre de risque (sans risquer vos propres jetons).
Gagner une majorité de mains de cette façon est considéré comme l’apanage des grands joueurs.
De même, en Protection Perso, quand vous parvenez à désamorcer une situation à risque grâce à votre langage (verbal et non-verbal), votre attitude et votre placement, vous pouvez considérer que votre « victoire » est bien plus éclatante que si vous aviez dû prendre le dessus physiquement sur votre adversaire.
2 - Il n’y a que très peu de situations où on à intérêt à mener le combat.
Au Poker, on estime qu’à peine 20% des 169 mains de départ que vous pouvez recevoir ont une espérance de gain positive (2).
Autrement dit, vous recevrez moins d’une fois sur 5 un jeu de départ qui, statistiquement, peut vous rapporter plus qu’il ne vous coûtera.
Au niveau de la Protection Perso, le constat est le même… Il y a, en définitive, très peu de situations qui justifient réellement une action physique.
La plupart des situations qu'on aura pas pu éviter, pourront encore être gérée via le dialogue et la négociation , ce qui laisse finalement peu de places aux situations ou une intervention physique sera, réellement, nécessaire.
3 - La combativité paie
Imaginons la situation suivante : Le croupier vous distribue une paire de 10 servies, vous êtes 3° à parler et les deux joueurs avant vous se couchent.
Vous relancez d’un montant « standard » (généralement 4X la mise de base), et tous les joueurs après vous se couchent, sauf le dernier (un joueur agressif qui rentre pratiquement dans tous les coups depuis le début de la partie) qui vous sur-relance.
Evidemment, ce joueur peut détenir une main de départ meilleur que la votre (de la paire de valet à la paire d’As) mais le fait qu’il joue après vous (et qu’il est donc dans une position favorable) peut également l’inciter à vous sur-relancer avec un éventail de mains bien plus large, simplement pour vous « tester ».
Au Poker, une fois que vous avez décidé de rentrer dans un coup (et on a vu plus haut, qu’il y a peu de situations réellement profitables), il va souvent falloir faire preuve d’un minimum de combativité pour remporter la main.
Vous aurez rarement la meilleure combinaison possible (ce qu’on appelle au Poker le jeu « Max » ou le « Nuts ») et il y aura donc, dans l’immense majorité des cas, l’une ou l’autre combinaison possible qui pourrait vous battre.
Si vous vous contentez de vous coucher à chaque fois que quelqu’un vous (sur-)relance, votre carrière de joueur ne durera pas très longtemps.
Il est vrai que parfois, vous vous coucherez à raison, face à des mains qui vous auraient battues à plate couture, et que vous épargnerez de l’argent.
Mais, en jouant systématiquement de cette façon, la plupart du temps vous allez simplement « gaspiller » de bonnes occasions (et on a vu qu’elles ne sont pas si nombreuses).
De plus, vous faites le jeu des joueurs agressifs, qui, de plus en plus, vous (sur-) relanceront avec n’importe quoi en main, juste parce qu’ils savent qu’il y a de fortes chances pour que vous jetiez vos cartes.
Revenons à la Protection Perso, maintenant…
Si malgré tous vos efforts pour éviter la confrontation, vous vous retrouvez, malgré tout, au milieu de ce qui dégénère en un affrontement physique, il est trop tard pour regretter d’y être.
Et si vous vous effondrez en sanglot ou que vous restez figé sur place, il y a peu de chances pour que ça attendrisse votre agresseur et l’incite à faire preuve de mansuétude.
A ce moment là, au contraire, il va falloir réagir et surtout prendre le dessus physiquement sur votre adversaire, au moins une fraction de seconde afin de pouvoir s’enfuir.
Malheureusement, pour cela je ne connais pas de recette miracle qui marche à tous les coups… mais par contre, si cette recette existe, je suis certain que la combativité, le fait de ne pas s'avouer vaincu et de se défendre coute que coute, font partie des ingrédients de base.
4 - Le Bluff marche toujours… jusqu’au jour où ça ne marche plus.
Reprenons notre exemple de tout à l’heure… vous avez un paire de 10 servie, vous relancez et tout le monde se couche jusqu’au dernier joueur qui, lui vous sur-relance mais cette fois en ajoutant le mot magique : « Tapis ! » (3)
Théoriquement, cette sur-relance à tapis, où votre adversaire met donc en jeu tout l’argent qu’il a devant lui, ne peut signifier qu’une seule chose : votre adversaire détient une TRES grosse main ( paire d’As, de Rois, As-Roi ou, plus rarement, une paire de dames) et il veut miser un maximum sur une main où il pense être largement favori.
Vous réfléchissez un long moment en tentant de jauger votre adversaire, vous regardez une dernière fois vos 10 avec une pointe de regret, et vous jetez votre main à la défausse.
C’est frustrant, mais c’est, et de loin, la meilleure chose à faire (une belle illustration du point 2)…
Quelques tours plus loin, la même situation mais cette fois vous vous retrouvez avec la main mythique : la paire d’As (considérée comme la meilleure main de départ sur les quelques 169 possibles, vous la toucherez en moyenne une fois toutes les 200 donnes +/-).
Vous relancez d’un montant standard, tout le monde se couche et notre habituel joueur agressif vous fixe en souriant avant de pousser ses jetons devant lui d’un air triomphant (de son point de vue, voilà 3 fois que vous vous couchez facilement face à ses relances, il aurait tort de s’arrêter en si bon chemin).
Vous suivez immédiatement sa relance en retournant votre « American Airlines », son sourire se fige, il retourne une main quelconque et se fait éjecter de la table sans un rond.
Le bluff existe aussi en Protection Perso.
C’est ce que Geoff Thompson (4) appelle (et je trouve le terme particulièrement bien choisi) le « Balooning » ( comme la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf).
On a tous déjà vu des exemples caractéristiques de ce genre de comportement : un mec ultra agressif verbalement qui, par la seule force de son baratin ou de sa posture, se débrouille toujours pour sortir des embrouilles sans avoir à se battre… un type qui « joue au fou », en espérant faire hésiter ceux d’en face.
Le pire, c’est que ce genre de tactique peut s’avérer payante dans pas mal de cas, mais il suffit d’une seule fois, celle où on aura mal jaugé la situation ou encore le tempérament de son interlocuteur, pour s’exposer à de lourdes conséquences.
5 - « L’Awareness » toujours et encore…
A une table de Poker, un bon joueur est constamment à l’affût.
Tous les détails l’intéressent : les tics nerveux des autres joueurs, leur façon de jouer avec leur jetons, leurs regards, leur façon de miser, …
Un joueur pro ne laisse passer aucuns détails et, de plus, sait comment les interpréter et les utiliser à son avantage.
Toutes proportions gardées, le core business de la Protection Perso est exactement le même.
Ici aussi, l’attention portée à son environnement est la clé de voûte qui soutient tout le reste.
Bien avant de songer à s’extraire d’une situation pourrie, il faut s’entraîner à les détecter et à faire ce qu’il faut pour les éviter… c’est ce qui est utile dans 90% des cas.
L’entraînement physique au combat n’est réellement utile que dans les 10% restants.
6 - Patience, ruses et artifices…
Vous êtes finalement arrivé en finale du tournoi et vous jouez donc pour la victoire.
Vous touchez, encore, une paire de 10… Relance, votre adversaire suit instantanément, ce qui trahit une main « correcte ».
Le flop ( 4 ) tombe : 7 – 2 – 10… vous avez maintenant un jeu monstrueux… qu’allez vous faire ?
Pousser allègrement votre tapis au milieu de la table ?
Ou lui passer la parole en attendant qu’il mise ?
Si vous choisissez la première option, vous n’empocherez probablement que des clopinettes car il y a très peu de mains possibles avec lesquelles il aurait intérêt à suivre (ou sur-relancer) une grosse mise.
Par contre, si vous choisissez la deuxième, votre adversaire risque de tenir le même raisonnement : « Il n’a rien touché sur le flop et si je relance, il y a de bonnes chances pour qu’il se couche » et donc de miser, peut-être même gros, en espérant arracher la main.
Tout le jeu consiste ensuite à lui faire croire qu’on suit du bout des lèvres… dès que la quatrième carte tombe, vous misez et comme votre adversaire à déjà investi beaucoup d’argent dans cette main, et que la probabilité que vous bluffiez est élevée, il n’a pas d’autre choix que de suivre…
Cette technique ( le « slowplay ») est l’équivalent de la « garde passive » en Protection Perso…
Toute la notion de garde passive (qui ne se résume pas à lever les mains, en répétant comme un robot: « Je ne veux pas de problèmes ! » ) consiste garder une allure passive et soumise pour « endormir » son adversaire ou le conforter dans son sentiment de supériorité, avant, si nécessaire, d’attaquer au moment le plus opportun.
Voilà, j’espère que ces quelques parallèles entre ces deux disciplines, finalement pas si éloignées que ça, vous auront amusé et fait réfléchir.
Pensez-y, la prochaine fois que vous taperez le carton…
Et maintenant : SHUFFLE UP & DEAL
Peace,
Rico.
(1) Par facilité, dans la suite de l’article le terme générique « Poker » désigne plus précisément cette forme, à savoir le Texas Hold’Em en variante No-limit.
(2) L’ « espérance de gain » d’une main donnée est une notion théorique basée sur des milliers de simulations lancées sur ordinateur : en fait on choisit une main de départ fixe et on lance des milliers de « donnes » aléatoires, on compare ensuite les résultats obtenus, le nombre de donnes ou la main de départ gagnait et le nombre ou elle était battue. Cette méthode permet de calculer un pourcentage de victoire selon le nombre de joueurs adverses. Cependant cette méthode est uniquement basée sur des statistique et ne tient évidemment pas compte du facteur « humain » (bluff, façon de miser et montant des mises) qui influence terriblement l’issue d’une main.
(3) Tapis (ou "All-in") signifie que l'on mise tous les jetons dont on dispose encore, au risque de tout perdre
(4) Geoff Thompson : ex-portier londonien, précurseur de la self-défense « moderne » et auteur à succès.
(5) Les 3 premières cartes « communes » au Texas Hold'em Poker, retournées en même temps après le premier tour de mise.
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