La sécurité personnelle dans les grands événements

Ce week-end (06/09/08), avait lieu dans ma bonne ville de Liège, la désormais célèbre « City-Parade ».
Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’un immense défilé de chars qui sillonnent la ville au son de musiques électroniques.

Près de 200.000 personnes s’étaient donné rendez-vous à Liège, ce samedi, pour ce qui est rapidement devenu un des événements les plus attendus de l’année.
La foule était énorme sur l’entièreté du parcours des chars, le long des quais de la Meuse, et le public était, évidemment, surexcité.

Même si l’événement est festif, et que le public est avant tout là pour s’amuser, la foule, la musique, l’alcool et les drogues forment un cocktail détonnant qui peut faire basculer une situation en une fraction de seconde.
Ce genre de manifestation, en open-air et avec une foule conséquente, est bien évidemment un véritable casse-tête à organiser et surtout à encadrer pour tous les services impliqués (autorités de la ville, organisateurs, police, pompiers, croix-rouge, etc…).
L’organisation d’un tel événement se prépare des mois à l’avance en essayant d’envisager tous les scénarios possibles et en tenant compte d’une foule de paramètres.

Au niveau individuel également, assurer sa sécurité personnelle dans ce type d’événement ne s’improvise pas.
Encore une fois, le but de cet article n’est pas de vous expliquer de manière ferme et définitive quelle est LA marche à suivre, mais plutôt de vous donner certaines pistes de réflexion afin que vous puissiez déterminer vous-même les précautions à prendre dans ce type d’événements spécifiques.


1. Ayez un plan (au propre comme au figuré…)


Si vous ne connaissez pas l’endroit ou se tient l’événement, débrouillez-vous pour obtenir un plan de l’endroit et de ses environs.Dans la plupart des cas, une petite recherche sur un site spécialisé comme Google Maps vous donnera une idée suffisamment précise de la topographie des lieux.

Personnalisez ensuite votre carte en y incluant des points de repères (généralement, des bâtiments visibles de loin comme des églises, des cathédrales ou des buildings facilement reconnaissables).
Définissez également avec la(es) personne(s) qui vous accompagne(nt) un ou plusieurs lieux de rendez-vous, qui vous permettront de vous retrouver facilement si vous êtes séparés dans la foule, pour une raison ou une autre.

Si l’événement auquel vous voulez assister se tient dans un endroit fermé (concert p. ex.), le même raisonnement s’applique : procurez-vous un plan de la salle (généralement les grosses salles de concert disposent de sites web ou vous pourrez trouver au minimum un plan sommaire de l’endroit, il se peut même qu’un petit plan figure sur le ticket de réservation) et définissez un ou plusieurs points de rendez-vous.
Pensez également à noter l’emplacement des sorties de secours, ainsi que le chemin à parcourir pour arriver à celle qui sera la plus proche de votre place.
En général, dans le sens de la sortie, toutes les portes que vous rencontrerez s’ouvriront en les poussant, la plupart seront même équipée de « panic-bar » qui garantit l’ouverture de la porte en cas de poussée.
Il existe cependant un petit truc tout simple pour savoir à l’avance si une porte s’ouvre en tirant ou en poussant : il suffit d’observer les charnières, si elles sont visibles, la porte s’ouvre en tirant vers soi, si elles sont cachées la porte s’ouvre en poussant.
Ce genre de précautions peut sembler inutile, il n’est pourtant pas rare de constater que des personnes sont mortes, brûlées étouffées ou piétinées lors de catastrophes, parce qu’elles essayaient désespérément de pousser une porte qu’il suffisait de tirer.


2. Sachez à quoi vous attendre.

Un festival de Death Metal n’est pas comparable à un récital de musique classique.
Le public, l’ambiance et les « codes » sont extrêmement différents : si, dans un concert de musique classique, la personne qui vous bouscule, même légèrement, prendra probablement la peine de s’excuser, il ne faudra pas vous attendre à recevoir des excuses de la part d’un Punk pogotteur qui aura renversé sa bière sur votre smoking.
Il faut tout simplement comprendre, et accepter, que ces deux réactions sont « normales » si on se réfère à leur contexte et aux codes qui y sont en vigueur.

Si vous ne supportez pas la promiscuité, si vous avez une sainte horreur qu’on vous touche et si vous insistez pour que les autres respectent scrupuleusement votre espace intime, autant vous le dire tout de suite, vous risquez de passer un TRES mauvais moment dans un événement du type de la City-Parade.

Tenez également compte des spécificités de l’événement auquel vous participez.
Dans l’exemple de la City-Parade, ce n’est pas un secret, la consommation d’alcool et de drogues diverses (principalement du Cannabis et de l’XTC ainsi que leurs dérivés) y est assez courante.
Vous risquez donc de vous retrouver face à des individus dont les réactions sont rendues imprévisibles par ces substances.
Savoir repérer, et surtout éviter, les individus trop chargés est aussi un moyen d’assurer sa tranquillité.

Un autre exemple qui m’a frappé lors de cette édition : chaque char possède son propre « sound system » qui crache plusieurs milliers de watts, inutile de vous dire que quand on se retrouve coincé à côté des baffles, on en ressort comme Beethoven sur la fin de sa vie.
Cette année, j’ai remarqué que pas mal de participants s’étaient munis de petits « ear-plugs »
, comme ceux utilisés par le personnel des aéroports… un truc à mettre sur ma liste pour l’année prochaine…


Analysez la situation, de façon honnête, en vous basant sur des éléments tangibles (par exemple des comptes-rendus d’édition précédente, des témoignages de connaissances ayant déjà participé à ce type d’événement, etc…) et décidez en fonction de cela si vous avez envie, où non, de participer à l’événement en question.

Au-delà de l’événement, il est bon aussi de s’avoir à quoi s’attendre de la part des personnes qui vous accompagnent.
Demandez-vous intérieurement « Et si il se passait quelque chose, comment est-ce que X réagirait ? ».
Est-ce que Untel à tendance à picoler plus que de raison ? Est-ce qu’un autre à tendance à démarrer au premier regard de travers ? Si quelque chose devait arriver pourrais-je compter sur eux ?
Dans l’absolu, et même si c’est parfois socialement difficile, on ne devrait jamais hésiter à refuser la compagnie de quelqu’un qu’on ne « sent pas ».


3. Le matériel et la tenue.

La durée de l’événement est une des premières choses dont il faille tenir compte.
Entre l’opening party, le cortège et la soirée de clôture, la City Parade s’étend sur plusieurs heures, ou il va falloir pas mal marcher et, pour les plus courageux, se trémousser au son des D.J.’s.
Il y a donc intérêt à porter une tenue (y compris des chaussures) plutôt confortable, bien ventilée et qui permette de se mouvoir sans restriction.

Le conditions climatiques sont aussi un facteur crucial, le temps en Belgique étant des plus changeant (généralement ça va de « léger crachin » à « trombes d’eau »), emporter une casquette, une petite veste de type softshell ou k-way peut s’avérer payant, au pire un petit poncho pliable peut aussi vous éviter la pneumonie.

Passons maintenant au matériel…

De quoi pourriez-vous avoir besoin durant une journée de ce type ?
C’est bien évidemment une réflexion qui sera propre à chacun, vu que nous avons tous des besoins spécifiques différents.
Cependant, je pense qu’il y a un certain nombre de must-have dont on peut difficilement se passer.

La première chose à emporter, selon moi, est un téléphone portable en état de marche et complètement chargé.
Pas très original, mais très embêtant quand on l’oublie sur la table du salon ou que la batterie vous lâche en plein milieu de la journée.
Et, tant que vous y êtes, pensez à programmer le N° d’appel d’urgence 112 (qui marche dans toute l’Europe) sur une touche d’appel direct, au cas ou vous seriez victime ou témoin d’un accident ou d’une agression.

Du cash (billet ET pièces) en suffisance, répartis dans différents endroits…
Si vous ne voulez pas vous retrouver à faire la manche, ne comptez pas sur le fonctionnement ni (surtout) sur l’approvisionnement suffisant des distributeurs automatiques de billet, quand 200.000 personnes envahissent une ville de taille moyenne, au début d’un week-end.

Je pense aussi qu’une petite lampe « tactique » (Inova, Nitecore, Surefire…) peut avoir son intérêt à différents niveaux…

Un autre point indispensable pour moi : un kit de premier soin, même rudimentaire.
Evidemment, les services d’urgence sont présents en nombre et ils sont mieux formés que vous (à moins que vous n’en fassiez partie) mais intervenir au beau milieu d’une foule n’est pas une chose facile, ne serait-ce que parce qu’il faut se frayer un passage jusqu’au lieu d’intervention.
Or, dans certains cas, ces quelques minutes supplémentaires, sont précisément celles qui font la différence entre arriver à l’hôpital vivant ou ne pas y arriver du tout.
Avoir sur soi de quoi arrêter une hémorragie (pansement compressif, garrot d’urgence genre Tourni-Kwik ou C.A.T., une paire de gants en latex, … ) ET être capable de s’en servir sur soi ou sur autrui, c’est à la fois augmenter ses chances de survie mais aussi potentiellement sauver la vie d’une autre personne.


4. Quand les choses tournent mal...

Je vois principalement deux grands types de risques dans ce genre d’événement :

A. Les mouvements de foule.

C’est en même temps le plus immatériel et le plus imprévisible des risques dans ce genre de manifestation.
La foule en elle-même est un danger quand, pour une raison ou une autre, elle ne se comporte plus de façon linéaire.
Il n’y a malheureusement pas grand-chose à faire quand on est pris au milieu d’un mouvement de foule, sauf éviter à tout prix de perdre l’équilibre et de tomber par terre.
Ici, la prévention est la seule arme dont on dispose, ce qui veut dire : éviter de se placer au centre de la masse et privilégier les côtés, repérer les échappatoires possibles (rues transversales, positions surélevées, … ) ainsi que les obstacles dangereux (barrières, murs, véhicules …) contre lesquels on pourrait être coincé.

Dans la catégorie « mouvement de foule », j’ajouterais également ce que j’appelle les « bastons par contagion ».
Il s’agit d’un phénomène récurent dans ce genre de configuration, ou la promiscuité physique entre les gens est importante, et dont j’ai encore été témoin lors de cette édition : une échauffourée éclate entre deux personnes et semble, comme par magie, se propager aux autres personnes se trouvant à proximité immédiate.
Entre ceux qui ont été bousculés par les protagonistes initiaux, les amis de ceux-ci, ceux qui croient que c’est à eux qu’on en a et les autres, qui en profitent pour frapper gratuitement (et souvent par derrière), ça fait un paquet de candidats, tout prêts à utiliser l’anonymat rassurant de la foule pour assouvir leurs instincts guerriers.

Dans ce genre de cas aussi, l’attention que l’on porte à son environnement, et la prévention qui en découle, sont les meilleurs garants de votre sécurité.Quoi qu’il arrive, gardez une attention « flottante » sur vos environs immédiats et soyez attentifs à toute activité « anormale » (cris, mouvements brusques, etc…), dans le doute, écartez-vous au maximum de la source de danger potentiel… même si on a souvent le (très mauvais) réflexe de se rapprocher pour mieux voir l’action.

Si malgré tout, vous vous retrouvez pris au milieu d’une rixe, votre priorité doit être avant tout de vous sortir de la zone d’affrontement le plus rapidement possible.
Combattre au milieu d’une foule est très compliqué et extrêmement aléatoire : le monde autour, le manque de repère, la difficulté de savoir « qui est avec qui » et la confusion ambiante, tout cela rend ce type de situation ingérable, même pour quelqu’un de très bien entraîné.
Protégez vous au maximum (gardez à tout moment les bras en protection au niveau de la tête), faites très attention à votre équilibre (si vous tombez ça va être encore plus dur de s’en sortir, sans compter les risques d’être piétiné en cas de mouvement de foule) et dès qu’une occasion de s’extraire de la zone se présente, saisissez la immédiatement.

B. Les agressions.

Tout rassemblement important attire son lot de prédateurs.
C’est un fait qu’il est bon de garder à l’esprit, car si l’immense majorité des participants est là pour passer un bon moment, il y a également un bon nombre de personnes qui viennent avec des buts bien moins avouables.
Un agresseur, si on exclut les cas (statistiquement très rares) d’agression gratuite, est un prédateur qui cherche à obtenir quelque chose de sa victime par la contrainte.

J’utilise le terme de « prédateur » car le comportement de ces individus est tout à fait comparable avec celui d’une meute de hyènes face à un troupeau de gnous.
Le prédateur aime la foule car celle-ci constitue un vivier de victimes potentielles, cependant il sait également que la foule est nuisible à la bonne marche de son business.
Des hyènes, même en meute, attaquent rarement au beau milieu du troupeau, par contre elles peuvent le suivre sur des kilomètres en attendant patiemment qu’un individu s’éloigne de celui-ci.

Le prédateur, animal ou humain, aime être tranquille pour exercer ses « talents », le fait d’isoler sa victime dans un endroit à l’abri des regards lui permet de bénéficier de deux avantages : l’impact psychologique sur sa victime, qui est éloigné de son « groupe » et se retrouve dans un rapport de force inversé, ainsi que l’absence de témoins gênants.

Partant de ce fait, on peut déjà tirer quelques conclusions :

La « zone de danger » ne situe pas au milieu de la foule mais dans les endroits plus isolés.
Si, dans le règne animal, les points d’eau sont souvent une zone à risque, en ce qui nous concerne, il y a aussi des endroits qui naturellement sont plus tentants pour les prédateurs : dans le cas d’un événement « urbain » comme la City parade, cela englobe les toilettes publiques, les distributeurs d’argent, les petites ruelles adjacentes au trajet, … bref, tous les endroits ou l’on est susceptible d’être séparé du groupe.

Il est souvent possible, avec un peu d’entraînement, de repérer les prédateurs à leur comportement : en général, il s’agira de petits groupes mobiles et discrets qui se tiennent légèrement en retrait de la foule et dont le comportement ne « colle » pas à l’ambiance de la manifestation (ils ne viennent pas pour « s’amuser » mais pour « travailler » et ne sont donc pas dans le même état d’esprit).
A partir de là, il suffit de se tenir loin de ce genre de groupes suspects.
Cela peut paraitre simple, voir simpliste, mais lee but d’un agresseur étant d’obtenir quelque chose, il à besoin d’être physiquement proche de sa victime pour l’obtenir.
Si on prend soin de ne pas créer cette proximité physique, l’agression n’a tout simplement pas lieu.

Il faut comprendre qu’un agresseur est un professionnel qui fonctionne selon un rapport cout/bénéfice.
Le « cout » représente l’ensemble des risques qu’il prend en attaquant sa victime et le « bénéfice » ce qu’il espère en obtenir.
Quand le rapport lui semble défavorable (donc, quand le cout lui semble supérieur au bénéfice qu’il pourrait en retirer), il va, dans l’immense majorité des cas, passer son chemin et chercher une victime qui aura un rapport cout/bénéfice plus intéressant.
Autrement dit, plus vous ressemblez à une victime en puissance, plus vous attiserez l’appétit des prédateurs que vous croiserez sur votre route.


Conclusions.

Les grands événements et la foule qu’ils rassemblent posent indéniablement des défis particuliers pour les personnes soucieuses de leur sécurité.
Comme souvent, l’essentiel du travail qu’on peut accomplir pour améliorer sa sécurité dans ce genre de manifestations devra se faire en amont.
En prenant un minimum de temps pour préparer son déplacement et en réfléchissant aux particularités de l’événement auquel on veut assister, on peut s’éviter pas mal de déconvenues et de mauvaises surprises.

L’autre élément crucial est ce que l’on appelle l’attention contextuelle, c-à-d le fait de garder un œil sur son environnement immédiat et de prêter attention aux petits détails.
Contrairement à ce que pense beaucoup, l’attention contextuelle n’est pas une forme aigue de paranoïa, mais simplement la manifestation d’une certaine conscience : être conscient de son environnement et de la place qu’on y occupe.
C’est l’attention contextuelle qui permet de se rendre compte d’un problème avant que celui-ci ne prenne une ampleur ingérable.

Le dernier facteur important qui influence votre sécurité est votre faculté à faire confiance à votre instinct.
Comme dirait un de mes amis « Quand ça sent la m***, c’est qu’elle n’est pas loin », autrement dit : il n’est pas nécessaire d’attendre la confirmation d’un problème avant d’y réagir.
Bien souvent, si votre attention contextuelle est mise sur « ON », vous aurez la sensation diffuse que quelque chose ne tourne pas rond sans pour autant pouvoir raccrocher cette sensation à quelque chose de concret.Le fait est que votre cerveau enregistre une foule de détails au niveau subconscient sans même que vous vous en rendiez compte.
En agissant de cette façon, il vous donne une longueur d’avance, n’hésitez pas à l’utiliser.


Voilà, j’espère que ces quelques réflexions sur la sécurité personnelle dans les grands événements vous auront fait prendre conscience des risques particuliers liés à ce genre de manifestations, et vous donneront des idées pour mettre au point votre propre stratégie.

Peace,

Rico.

5 commentaires:

Unknown a dit…

Hello Eric et l'ACDS Belgique,

Excellent article ! J'ai repris cette thématique sur mon blog dans un mini article qui renvoit chez vous.
J'espère que mes petits gars viendront lire vos infos (ca vous fera du trafic et ça leur mettra des bonnes idées en tête).

A +

Take care

Djé

David Manise a dit…

Excellentissime et grandiose aticle !

Evidemment, j'en vois venir plein qui vont vous demander "et vous vous êtes amusés ?"... Nous on sait bien que oui ;)

Donc mon seul commentaire sera pour eux : on PEUT passer un bon moment, s'amuser, et faire la fête tout en gérant bien le truc au niveau protection perso. Au même titre qu'on peut marcher et mâcher un chewing gum en même temps. Enfin pour les gens normaux :)

Peace !

David

Diego a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Diego a dit…

Super texte mon Rico.
Il est rare de trouver ce genre de conseils pratiques et simples , découlant du bon sens-même pour des événements de ce genre.

Merci, c'est le genre de trucs que j'aime faire tourner. :-)

Cheers ,

Diego

Anonyme a dit…

Pratique, concis, applicable par tous ... vos textes devraient être dans des manuels scolaires :)